Cette fois pas de résumé "classique", qui consiste à dire quand dans l'ES4 on a mis 4 secondes à notre principal concurrent et que dans la 5, il nous en a repris 3 ! Devant un tel évènement, la performance laisse le pas à l'endurance et j'ai préféré découper tout ça en petits textes courts car nombreuses sont les choses à dire... Bonne lecture.
Organisation à la sauce WRC
L’organisation fut tout simplement impressionnante ! Nous étions là dans une autre sphère du rallye et nous le sentions bien. Tout était prévu, calculé, pas d’improvisations à prévoir, si ce n’est en spéciales. Je vous cite une phrase d’un copilote qui se reconnaitra : « Et dire que je roule en régional la semaine prochaine, ça va faire un choc ! » et pas des moindres ! Comme je le disais sur mon facebook quelques jours avant la course : « J’suis dans un bordel de service park, remote zone, remote service et flexi service » … et cela se confirme sur le terrain ! Il s’agit d’une véritable expédition à chaque étape, avec 353 kilomètres d’ES sur le weekend et 920km de routier, un rallye où à notre niveau, l’endurance prend le pas sur la performance. Chaque étape est un véritable raid d’épreuves spéciales et de longs routiers où on ne passe que deux fois à l’assistance, au matin et au soir avec à mi-étape un remote service et des zone de refuelling. Cela demande une véritable logistique, des véhicules et des personnes mobilisés. Bref il s’agit là en course d’un véritable travail en équipe dans l’auto et et en dehors, où il n’est pas question de se dire « on revient d’t’à l’heure » si on a oublié un truc. Nous avions bien préparé le truc entre copilotes (Benoit, Stéphane et votre serviteur) et membres staff du team (Seb, Olive, Denis, Mathieu, Benjamin) et au final, ce fut un très très grand moment en équipe, une grande expérience, dont chacun est ressorti grandit dimanche soir…
Reconnaissances
C’était là un gros chapitre du rallye. Sur deux jours, nous avions à reconnaître les 353 kilomètres des 10 épreuves spéciales, avec deux passages exclusivement. Le découpage était plus bien fait avec tout de même de grosses journées. Du mardi nous roulions de 7h à 22h et du mercredi de 7h à 17h je crois. Pour vous donner une idée, mardi, nous avions passé 17h le cul dans la bagnole : belle mise en bouche pour une semaine dans l’auto ! Du mercredi, j’étais à la limite de m’endormir en prenant mes notes…
Un découpage était prévu pour que les 140 équipages engagés au rallye de France ne se retrouvent pas tous en même temps dans une ES. Par exemple les P1 étaient d’un côté, les P2 P3 S2000 d’un autre et le Grand National sur un autre secteur, chaque groupe ayant un secteur d’ES et des heures de passage, si bien que jamais nous n’avons croisé les équipages officiels.
J’étais fan des reconnaissances à deux passages depuis ma participation au Saarland Rallye en 2008, en Championnat d’Allemagne des Rallyes. Mardi et mercredi, ces recos me confirmèrent les souvenirs que j’en avais. Cette solution est selon moi la solution idéale qui devrait être optée en Championnat de France des Rallyes, si ce n’est en Coupe de France. Elle est une bonne formule qui conjugue gain de temps et réduction de l’occupation des routes par nous autre équipages. De plus, elle supprime le troisième passage, qui se fait très souvent à vive allure. Et que la question de la sécurité ne vienne pas sur la table : tout le monde s’est fait aux deux passages en recos, et il n’y a pas d’accidents à déplorer à cause de cela. L’utilisation de ce système fera très certainement des politiques à opter pour l’avenir du rallye. Pour les mécontents, il restera le circuit.
Monuments et Epreuves Spéciales
Mes ES préférées étaient celles de Klevener, Ungersberg, Vallée de Munster et Pays d’Ormont. Ces deux premières étaient tracées dans les vignes du côté d’Obernai dans un vallon superbement éclairé par le soleil du matin. Ormont était un monument, 35,48 kilomètres rythmés de forêts en plaine, d’enfilades rapide à secteurs lents. De même pour Vallée de Munster. Ces deux dernières ES étaient les plus longues du rallye. Les ES du vendredi étaient très difficiles, les cordes étaient creusées comme jamais je n’ai vu : profondes de plus d’un mètre, large comme une autoroute, cassantes et coupantes comme du verre. Il y eut des endroits où avec nos pneus de série, nous ne rigolions pas vraiment. Je regrette toutefois le choix de l’organisation du rallye d’avoir opté pour des ES en moyenne montagne et forêt alors que l’Alsace regorge de vignes et de vergers. Des ES de différents types auraient pu être tracées. Regret aussi que l’ES de Bitche -que nous n’avons pas parcouru en course- ne soit en majorité tracée qu’en fôret sur une route serpentant à grande vitesse. Seule une petite partie de cette ES ne reprennait des morceaux en terre et béton, comme j’aimais… A ma surprise, j’aimais –une fois en course- la spéciale tracée en ville de Haguenau, sans doute car la famille locale m’y attendait ☺
Grand National
Là était la grande surprise du rallye : comment allait s’articuler le Grand National au beau milieu du WRC ? Dans l’ensemble, nous n’eûmes pas de soucis, si ce n’est une quarantaine de pages de road-book à retravailler (après les recos, du routier principalement). Après l’ES12 et donc la fin de la manche « Championnat de France », nous n’étions plus que 15 concurrents à continuer le rallye dans sa seconde partie, ayant pour but de rejoindre Strasbourg le lendemain après-midi, recollant ainsi au cortège du WRC, à une ES près. Si nous n’allions pas participer au premier passage de l’ES de Bitche et que les ES de Klevener 2, Pays d’Ormont 2 et Bitche 2 allaient être parcourus en neutralisé, nous n’avions pas eu réellement de problème en ce Grand National, si ce n’est qu’au regroupement d’après ES 12, on nous avait légèrement oublié… Si bien que nous repartions de ce regroup sans que les écarts entre chaque voiture ne soient réduits. Nous avions alors 2 ou 10 minutes d’écart entre chaque concurrent, chose moyenne une fois en spéciale… Il y eut aussi le problème d'embarquer une seule roue de secours alors qu'en WRC deux étaient autorisées et qu'en spéciales, c'était plus Bagdad que la route touristique des vins d'Alsace...
Nous nous retrouvions à l’arrivée du rallye à 12 concurrents, à passer sur le podium final du rallye, dans une ambiance excellente, sous un soleil de plomb, devant le Parlement européen.
Regroupement de Bitche : moment presqu’intime
Dimanche matin, Bitche, Camp militaire. Nous devions parcourir cette ES qu’à une seule occasion, au cul du WRCircus, lors de leur second passage. Là, nous avions un regroupement de -maximum- 2h23, c’est dire que nous allions avoir le temps de prendre le soleil dans ce coin de Moselle. Par chance, le WRC avait un regroupement aussi long. D’un côté, les pilotes officiels et privés de Ford ne reposaient ensemble, entre deux bâtiments, non loin du public. De l’autre, tentait de se cacher un peu Sébastien Loeb ainsi que toute l’équipe Citroën pour un moment de répis. Par chance, dans cette zone, se trouvait aussi notre zone de regroupement, vous comprendrez donc la suite… Nous avons passé quasiment deux heures avec nos stars préférées, à discuter très simplement, très calmement, ils étaient d’ailleurs, une fois leur job d’autographes fait, très abordables. Les Loeb, Elena, Ogier, Ingrassia, Sordo, Vallejo étaient là, accompagnés non loin des Hirvo, Latvala, Solberg, Block tandis que le public, massé derrière des barrières criaient sans cesse leur Séb. Ce fut un moment fort appréciable sous le soleil de Bitche… Moment duquel nous avons apprécié chaque instant, se rendant compte de la chance que nous avions là…
Succés populaire
Ce rallye fut à ma grande surprise un grand succès populaire. Jamais je n’ai vu tant de monde sur le bord des routes, non pas en ES où cela est plutôt logique mais sur le routier ! Là, des centaines de personnes nous attendaient, nous acclamaient, nous applaudissaient. Tous pro-Loeb, l’enfant du pays, ils ne rechignaient pas à attendre le petit Poucet du rallye dans une joie comme rarement j’ai pu voir, avec drapeaux, calicots, cris, sourires aux visages, enfants émerveillés… Même, certaines communes avaient fermés les routes sur notre route, alors que nous étions en routier ! Villages mobilisés, carrefours bloqués, buvettes de sortie, entre amis ou en famille avec papi mamie et les p’tits enfants : les frissons étaient garantis sous nos combis… J’y ai retrouvé des ambiances telles la Finale de France 98 ou la Caravane du Tour de France. Lorsque nous étions à l’arrêt, les gens approchaient, nous posant des questions en tous genres, nous demandant des autographes, prenant des photos avec nous. Là, ce fut une véritable joie de leur offrir tout cela, pour une fois que le rallye déplace les foules. Ces foules d’ailleurs… en quelques chiffres : 300 000 spectateurs sur l’ensemble du rallye, 30 000 sur l’ES de Haguenau et 70 000 sur l’ES de Bitche. Affluence qui aura comme conséquence l’annulation du second passage de cette ES, que nous devions parcourir qu’une seule fois, cette fois là…
Ecologie et Gendarmerie
Sur ce rallye, pesait l’ombre d’actions de la part des écologistes anti-rallye et anti-tout la plupart du temps, dans une philosophie genre « je lis Yogume, un magazine sur le yoga et les légumes et je mange de l’herbe » dixit Gad Elmaleh. Sur l’ensemble du parcours, nous ne vîmes qu’une seule manifestation de leur part, et bien symbolique. Au sol, en ES, était tagué « Rallye = Gâchis », alors qu’une action en justice avait été tentée par les Ecolos puis rejetée. Tout au long du parcours, nous avions pu croiser des convois de cars de Gendarmerie et/ou CRS, très certainement prêts à intervenir en cas de soucis.
La marée-chaussée était d’ailleurs partout sur les routes ce week-end, à notre service ou à celui du Trésor-Public. De nombreux radars étaient présents sur les routiers, les autoroutes, les villages… gare aux excès de vitesse. Mais à l’inverse, les gendarmes nous ont bien aidé ce week-end, bloquant routes et carrefours à notre arrivée, nous escortant sur la file de gauche, sirènes hurlantes pour arriver dans les temps à Bitche ou nous ouvrant la route sur la bande d’arrêt d’urgence sur l’autoroute vers Strasbourg. Rarement j’ai pu dire « merci » aux forces de l’ordre, alors profitons-en…!
Petits chez les grands
Claudie Tanghe m’avait un jour dit « Mieux vaut être petits chez les grands que grands chez les petits » et cette phrase m’avait marqué. Depuis, j’essayais d’appliquer cela, même si cela n’est pas toujours évident, je le conçois. Bref, avec notre petite Suzuki Swift N2 et ses pneus de série, nous ne pouvions pas viser mieux : nous étions en plein dans le « petit chez les grands » et ce fut… whouaaaaaa ! J’ai du mal ça trouver les mots (enfin si !) et les superlatifs et qualificatifs ne seraient que peu de mots pour exprimer la joie avec laquelle je participais à ce Rallye de France – Alsace, premier du nom et premier rallye WRC pour votre serviteur. Le WRC est le but intime et ultime de tout pilote ou copilote de rallye. Y arriver est une victoire en soi, qu’on soit premier ou dernier. Dernier, nous l’étions, oui, lanterne rouge du rallye avec comme gaz sur la pédale de droite le poids des rêves de gosse, pour Jean-Jacques comme pour moi. Dans l’habitacle, l’émotion était palpable dans les hectomètres suivants l’arrivée de la dernière ES ou précédant cette même ES. Le public était là, nous acclamant, applaudissant le cortège qui le faisait rêver. Le rêve est à portée de main, encore faut-il y croire. Ce week-end, deux enfants réalisaient un rêve de gosse, et je ne pense pas l’arrêter là. Je veux retourner en WRC, y rouler à nouveau, retrouver cette ambiance si particulière…
Merci à tous, à Jean-Jacques, à Seb et Stéphane, à Jean-Christophe et Benoit, à Olive et Lisa, à Mathieu, à Denis, à Benjamin et Cassandra, à Ju, à la famille et aux amis qui ont fait le déplacement ou qui étaient sur place, au public qui a supporté de la première ES à la dernière ES le petit Poucet que nous étions. J’en oublie sûrement et m’en excuse par avance mais sachez que vous avez tous apporté votre pierre à cette semaine qui me restera à jamais gravée.
Ma saison est maintenant terminée. Avec 3 rallyes en copilote dont deux en championnat de France (Touquet / Mont Blanc) et ce Rallye de France en Championnat du Monde, je suis loin d’être mécontent de cette année, d’autant plus que j’ai pas mal bourlingué professionnellement avec en point d’orgue le Grand Prix de F1 de Hongrie. Côté baquet, mon prochain rendez-vous devrait avoir lieu en 2011 si je roule, rien n’est fait, rien n’est décidé, même si les cartons sont plein de projets…
A tous, merci de votre fidélité et à très bientôt.
Jean-Charles
PS : j’veux être aux Routes du Nord, à m’baraque !